Groupe
honni ou méconnu, dont l’iconoclasme était une seconde
nature, THE WOLFGANG PRESS a généré une poignée
de disques et autant de chef-d’œuvres aux contours esthétiques
flous.

Pince-sans-rire,
avant-gardiste, perfectionniste, insufflant l’énergie du dadaïsme
dans leur culture punk, produisant une musique expressive, quintessence de
cauchemar et de volupté, THE WOLFGANG PRESS magnifie le mariage de
la laideur et de la beauté, harponne la fantasmagorie de la comédie
humaine. Sous la plume acide de Michael Allen la société de
l’apparence trahit son hypocrisie intrinsèque, les yuppies d’hier
et d’aujourd’hui sont mis à jour : pantelantes petites
formes vides.

Freaks
anti-éthérés du label 4AD, le duo, rapidement devenu
trio, Michael Allen, Mark Cox et Andrew Gray est souvent la bête noire
des amateurs de DEAD CAN DANCE, COCTEAU TWINS ou CLAN OF XYMOX. De la musique
qui n’hésite pas à arpenter les territoires de la soul
primitive (Stax & co), de l’expressionnisme (le chant cathartique
sur « THE BURDEN OF MULES ») ou de la dance distanciée (filiation
P.I.L., RENEGADE SOUND WAVE…) aux pochettes aux couleurs criardes,
aux idées loufoques, aux typographies brutes, l’univers de THE
WOLFGANG PRESS ne cherche en rien la séduction immédiate. Au
fil du temps, des écoutes, la malignité des arrangements, le
stupre parfois sous-jacent, l’élégance totale et le pouvoir
charnel ont raison de l’auditeur.

Terrassés
par l’indifférence du public après un album trop retardé
(« FUNKY LITTLE DEMONS »), mis à pied par leur label, après
quelques années de silence, une compilation rétrospective entrouvre
le cercueil encore brûlant du groupe, tandis qu’Andrew Gray prolonge
l’aventure musicale sous le nom de LIMEHOUSE OUTLAW.

-Art
brut et Models-

1976-1982

Le
chaudron corrosif du Punk implose, sous la masse écumante de groupes
qui du jour au lendemain renoncent à leurs tignasses de cinquante centimètres
et à leur solos de guitares et morceaux de quinze kilomètres,
la déferlante entraîne dans son sillage d’authentiques
esprits créatifs, hostiles à l’establishment politique,
culturel et musical en vigueur. Les groupes partisans du « do it yourself »,
n’hésitent pas à monter sur scène sans répétitions,
ni titres préécrits, manifestant une attitude libertaire et
anarchiste au sens noble du terme. De cette agitation prolifique émergent
des formations musicales qui incendient le public non seulement par leur attitude
provocante, mais aussi par des assauts sonores aux frontières de la
musique industrielle naissante et d’un rock primitif fragmenté
en structures approximatives.

THE
BEASTLY CADS sort des brumes londoniennes à cette époque (1976),
ce groupe est la première incarnation musicale des futurs MODELS et
REMA-REMA. Rares sont ceux qui ont pu assister ou entendre quoi que ce soit
de ce groupe et il faut attendre la naissance de THE MODELS pour trouver la
première trace vinylique. La formation comprend Clif Harris (guitare
et chant), Terry Lee Miall (batterie), Michael Allen (basse) et Marco Pirroni
(guitare, ex-BANSHEES et futur ADAM & THE ANTS). Le titre Freeze paraît
sur une compilation RCA, une major qui tente de suivre la vogue « no future »,
en dressant un état des lieux de la scène (regroupant Punk new-yorkais
et quelques groupes européens). Un premier simple sort sur Step Forward
contenant Freeze et Man of the year, puis le groupe explose
avant de réapparaître courant 1978 sous le nom plus connu (pour
les amateurs de 4AD) de REMA-REMA.

REMA-REMA
réunit Michael Allen (voix et basse), Marco Pirroni (guitare), Gary
Asquith (voix et guitare, futur RENEGADE SOUNDWAVE), Mark Cox (orgue et synthétiseur)
et Max Prior (batterie). Moins punk et plus expérimental, le groupe
s’impose sur scène avec une atmosphère tranchante, lancinante
et lourde. Ils décrochent un contrat pour un album sur une major, mais
hélas le groupe se disloque une fois de plus avant la sortie du disque.
L’album est pourtant déjà enregistré (on espère
qu’il sera édité un jour), si l’on s’en réfère
aux quelques titres disponibles, le résultat aurait été
un monument de noirceur. Seuls fragments de cette période, les quatre
titres de « WHEEL IN THE ROSES », le EP posthume paru en 1980 sur
4AD (ndlr : le premier disque sur support maxi du label londonien), hanteront
les mémoires de biens des amateurs de sensations épicées ;
composé de deux titres studio et de deux titres live enregistrés
en mono, il instaure un climat dévastateur. Le titre Fond affections
qui sera repris en 1984 sur le premier album de THIS MORTAL COIL « IT’LL
ENDS IN TEARS » témoigne de l’intensité émotionnelle
et de l’âpreté du son du groupe.

En
début d’année 1981, 4AD édite une deuxième
compilation (après « PRESAGES » publié en 1980), « NATURES
MORTES – STILL LIVES » destinée à présenter
les groupes du label. REMA-REMA est présent une dernière fois
avec une version psychiatrique de Feedback song, avec une intro qui
ferait pâlir les VIRGIN PRUNES. On y découvre également
la nouvelle incarnation du groupe sous le nom de MASS.

En
fait, MASS existe depuis 1980 et a à son actif un premier simple, You
and I / Cabbage
(ndlr : la première édition offre une
pochette poster), qui rompt quelque peu avec le côté industriel
de REMA-REMA en optant pour une approche plus cold-wave. La formation comprend
le trio Allen, Cox, Asquith auquel s’adjoint Dany Briottet (futur RENEGADE
SOUNDWAVE). Début 1981, l’album « LABOUR OF LOVE » voit
le jour, les neuf titres sont torturés et tribaux, le phrasé
haché de Michael Allen et ses cris spasmodiques strient les lignes
d’orgue nauséeuses de Mark Cox, la batterie martiale et disloquée
(une sorte de BIRTHDAY PARTY psychotique) et la guitare laminante de Gary
Asquith. Le résultat est terrassant et anti-commercial, à une
époque où une cold-wave plus policée et précieuse
commence à enterrer les derniers brasiers punk, l’album passe
relativement inaperçu : trop râpeux, trop caverneux…
Pourtant ce « LABOUR OF LOVE » préfigure déjà
le premier WOLFGANG PRESS (« BURDEN OF MULES »), l’indifférence
a raison du groupe qui proclamait si insidieusement « Isn’t life
nice
« .

-« Prostitutes
are the spice of life
« –

1983

La
« presse de Wolfgang », n’aura jamais les faveurs de la presse
musicale anglo-saxonne. L’album « BURDEN OF MULES » qui sort
sur 4AD en 1983 contient un titre corrosif : Journalists, qui
scelle les relations entre le groupe et les médias. La plume acerbe
de Michael Allen trouve un écho parfait dans les concrétions
instables de la musique. L’orgue lugubre et insistant, la basse lourde
et chaloupée, les percussions fracassées, les guitares écorniflées,
le piano rude et allégorique, la musique du duo, rejoint sur quelques
titres par Andrew Gray (guitariste du alors défunt IN CAMERA) mêle
noirceur, arrogance narquoise et spasme tribal.

Le
premier grand classique du groupe est là : Prostitute (sectionné
en deux parties), titre incandescent à la basse ronronnante, repris
dans le années quatre-vingt dix par L’IMPASSE & ADRIAN sur
le volume trois des compilations du défunt fanzine « LA RUE CLANDESTINE ».
THE WOLFGANG PRESS est alors une des incarnations les plus probantes de l’after-punk
aux côtés de POPGROUP, PUBLIC IMAGE Ltd ou KILLING JOKE. Souvent
hermétique, parfois acérée, la musique de « BURDEN
OF MULES » est un hymne noir à l’écriture fiévreuse,
la musique y forme et déforme des concrétions tour à
tour tribales et spasmodiques. Le chant écorché et geignard
porte ses dernières rafales comme autant de stigmates corrosifs qui
alimentent un verbe bilieux, constamment à l’affût. Michael
Allen qui a fait ses premières armes au chant dans un environnement
sonore punk-industriel, dévoile désormais toute l’étendue
de sa palette vocale. On pense parfois au velours écorché du
Nick Cave de BIRTHDAY PARTY et des débuts des BAD SEEDS.

Trilogie
fauve-

1984-1985

Pour
THE WOLFGANG PRESS l’année 1984 marque un tournant, sortis de
l’underground after-punk, ils vont à la fois développer
un style inimitable et être conviés à des projets parallèles.
Ainsi Mark Cox est appelé pour participer à ce qui sera le premier
album du projet d’Ivo Watts-Russell THIS MORTAL COIL. Sa contribution
sur deux titres, Fyt et la reprise du Fond affections de REMA-REMA
(le maxi-ep de 1980 est d’ailleurs repressé à l’occasion),
illustre l’ambiance du label 4AD, un creuset fourmillant de musiciens
hétérogènes. Il retrouve à l’occasion Martyn
Young de COLOURBOX et tisse la brume synthétique autour de la voix
spectrale de Gordon Sharp (CINDYTALK).

Adepte
malgré-lui des premières parties, le groupe joue avec toutes
les formations pionnières du label 4AD (X MAL DEUTSCHLAND…),
c’est à cette époque qu’ils font la connaissance
des COCTEAU TWINS, rencontre au combien importante qui leur ouvrira les portes
d’une reconnaissance méritée. Robin Guthrie, le guitariste
de la formation écossaise produit une trilogie de maxi-EP’s inoubliables.
L’enregistrement au Palladium studio d’Edimbourg marquera durablement
les londoniens peu habitués à la rudesse écossaise, Michael
Allen en retiendra une impression partagée concernant l’Ecosse :
une sensation claustrophobique qui lui inspirera le morceau Sweatbox
(cf : notes du livret de la compilation « EVERYTHING IS BEAUTIFUL… »).
Le premier EP de la série, « SCARECROW » contient: Respect,
Deserve et Ectasy, la pochette signée par le peintre
Alberto Ricci et designée par 23 envelope est fauve et expressionniste.
Par l’entremise de Robin Guthrie, les sessions sont l’occasion
de reproduire le duo soul de Respect d’Otis Redding avec Liz
Fraser au chant ; le résultat est un hybride entre furie nerveuse
et hommage à la Stax. Une version démo d’Ectasy sera
offerte à la compilation cassette « DREAMS AND DESIRES » (puis
repris sur la compilation LP « PERDURABO » en 1987), présentée
sous le titre Ectasy instrumental, c’est en fait une version
complète, tout aussi indispensable que l’original.

Après
ce premier album brûlant et sombre et ce EP le label demande à
Mark Cox et Michael Allen d’enregistrer de nouveaux titres. Une nouvelle
fois, le groupe (alors rejoint définitivement par Andrew Gray) fait
appel à Robin Guthrie, mais l’enregistrement se déroule
à Londres au Blackwing studio (cf : l’antre de John Fryer),
intitulé « WATER » il contient quatre nouveaux morceaux :
Tremble (my girl doesn’t), My way, The deep briny
et le lugubre et obsédant Fire-eater. La palette sonore du groupe
décline toutes les facettes de l’exubérance et des blessures
intimes, THE WOLFGANG PRESS produit une musique toute en tension, lumineuse
et gorgée de lyrisme tortueux.

En
avril 1985 paraît le dernier volet de la trilogie, intitulé « SWEATBOX »,
il contient quatre titres, Heart of stone, I’m coming home
(mama)
, Sweatbox et l’instrumental très TUXEDOMOON
Muted. La présence à la batterie de Manuela Zwingman,
qui vient de quitter X MAL DEUTSCHLAND apporte une touche particulière
à l’atmosphère, son jeu plus binaire modifie l’aspect
chaotique des rythmes de WOLFGANG PRESS, le résultat est diablement
efficace. Robin Guthrie produit une nouvelle fois l’enregistrement.

Fin
1985 le label 4AD décide de réunir les trois EP sur un album « THE
LEGENDARY WOLFGANG PRESS AND OTHER TALL STORIES », la version vinyle initialement
parue éclipse deux titres (Muted et The deep briny) ;
l’ensemble est réorganisé à la manière d’un
album. Deux des sommets sont totalement revus et corrigés, Fire-Eater
et Sweatbox, par Martyn Young et le groupe. L’album est un
puits sans fond où l’on découvre mille influences, allant
du flamenco à la soul, de l’industriel grinçant à
la coldwave rampante…

Alberto
Ricci propose des peintures fauves qui tranchent radicalement avec l’art
alors précieux des pochettes de 4AD, la série des EP et la pochette
de « THE LEGENDARY WOLFGANG PRESS AND OTHER TALL STORIES » captent
le caractère profondément irréductible de la musique
du groupe. Dandys de l’iconoclasme, dispensateurs de fièvres
et de rage, les musiciens de THE WOLFGANG PRESS ne rentrent dans aucune définition,
ne supportent aucun cadre. Les critiques désorientés en sont
réduits à reconnaître l’habileté de ces énergumènes
à créer des atmosphères singulières et inentendues.

-Quintessence
de la beauté étranglée-

1986-1987

Le
temps est venu pour le groupe d’écrire un second album, loin
de n’être qu’un prolongement aux trois EP’s précédents,
« STANDING UP STRAIGHT » sera en quelque sorte l’aboutissement
esthétique du groupe, mélange subtil entre la noirceur de « THE
BURDEN OF MULES » et un incroyable entrelac d’émotions épidermiques
et de fracas rythmiques. Produit par le groupe et John Fryer, l’album
contient neuf titres qui s’imbriquent, aussi alambiqués que sauvages,
à la manière du livret du LP vinyle, seize pages d’expérimentations
typographiques, réalisées par Chris Bigg (l’incontournable
alter-ego artistique pour les pochettes de disques). Les invités, Gini
Ball (violon et violon alto), Martin Mc Carrick (violoncelle), John Fryer
(percussion, marimba) et Liz Fraser (chant), apportent une dimension 4AD qui
souligne les contrastes, sceau précieux sur la folie âpre du
trio.

En
1986, les membres du groupe sont à nouveau pressentis pour le second
volet du projet THIS MORTAL COIL. Mark Cox co-écrit The horizon
bleeds and sucks its thumb
, tandis que Andrew Gray et Michael Allen sont
retenus pour interpréter la reprise de Drugs de TALKING HEADS.
Hélas, malgré ses efforts, Michael Allen est éclipsé
au profit d’Alison Limerick, en guise d’hommage Ivo lui dédiera le
EP vinyle « DRUGS ». Ceux qui prendront le temps d’écouter
minutieusement cette version EP pourront entendre le murmure familier du chanteur
de WOLFGANG PRESS au détour d’un refrain.

Début
1987 sort « THE BIG SEX » qui marque la fin d’une époque,
dernier fragment de la non-communication, les meurtrissures et l’idéalisme
de l’adolescence s’effacent. Un ep magistral, possédant
toutes les facettes de l’univers de WOLFGANG PRESS. Riche de structures
rythmiques enrichies par la présence de Peter Ulrich (que l’on
retrouvera aux côtés de DEAD CAN DANCE, ou dernièrement
en solo pour un album sur le label PROJEKT), cinglant et élégant,
profondément irréductible orné d’un pochette somptueuse
d’entomologiste.

Longtemps
considéré comme le plus beau titre du groupe Cut the tree
apparaît sur la compilation du label « LONELY IS AN EYESORE ».
Déclinée sous tous les formats imaginables à l’époque,
LP, LP limité sous forme de coffret cartonné, K7, vidéo,
CD et coffret en bois ultra limité contenant tous les supports, « LONELY
IS AN EYESORE » propose sous sa forme vidéo une mise en image sous
haute-influence surréaliste sous la forme d’un clip qui décline
le dandysme zébré de nonsense du trio. Subtilement structuré,
le titre se compose de plusieurs séquences qui alternent les sentiments,
emportant durablement l’auditeur; près de quinze ans plus tard, Cut
the tree
reste la quintessence de l’univers WOLFGANG PRESS, entre préciosité
4AD et singularité hors-norme.

-Résonances
du ready-made-

1988-1990

(cf :
en référence à l’ouvrage critique de Thierry de Duve
et en écho à la pochette de « BIRDWOOD CAGE » inspirée
par le Marchand de Sel.)

Le
disque le plus imparable de WOLFGANG PRESS, à la fois pachydermique,
définitivement personnel et parcouru d’une tension rampante continue.
Mariage des manipulations percussives tribales et de la technologie sonore
orchestrée par Flood, « BIRDWOOD CAGE » sort en 1988, précédé
par un premier single « KING OF SOUL ». Il contient les titres les
plus brûlants du groupe: Kansas, Shut that door, Bottom
drawer
, Raintime, Swing like a baby… Caustique et
insidieux, sensuel et grinçant, l’obsession et la lucidité jusqu’à
l’os, Marcel Duchamp comme maître étant donné la fontaine.

En
1989, deux nouveaux maxi-ep sortent, « KANSAS » qui offre des inédits
mémorables et des mixes surpuissants et « RAINTIME » affublé
d’une version vidéo entre pop-art et surréalisme.

En
1990, à l’occasion d’une exposition itinérante consacrée
au designer Vaughan Oliver, maître d’œuvre de la plupart
des pochettes du label 4ad, un mini festival est organisé qui regroupe
deux nouvelles signatures, LUSH et PALE SAINTS et les grands anciens THE WOLFGANG
PRESS. Tandis que l’exposition prend place au C.R.D.C. de Nantes, un
concert a lieu dans une salle bondée et surchauffée. Au-delà
des prestations encore malhabiles des jeunes pousses du label, ce sont les
anciens qui ensorcellent la salle, mêlant titres mélancoliques
et somptueux comme Cut the tree, brûlots sonores de la période
« BIRDWOOD CAGE » et démos de futurs titres de « QUEER ».
La foule est comblée, d’autant plus, que peu imaginaient la présence
scénique hors-norme d’un groupe plus souvent connu pour son appartenance
au label 4AD que pour sa musique. Surprise de taille pour le public français,
c’est Simon Raymonde (COCTEAU TWINS) qui joue de la basse apportant une coloration
particulière au concert. Initialement le mini-festival devait se prolonger
à Paris, mais suite au forfait technique de WOLFGANG PRESS, seuls LUSH
et PALE SAINTS accompagnent l’exposition en donnant un premier concert parisien
au Club Dunois, excellent au demeurant.

Hormis
leurs spécialités récurrentes : Mark Cox (synthétiseurs
et orgue), Andrew Gray(guitare) et Michael Allen (voix et basse), ils jouent
tous des claviers et de la batterie au cours du processus de composition et
d’écriture, ce qui rend leurs prestations scéniques difficiles,
à moins de recourir à des musiciens supplémentaires.
Ainsi, en concert, la formation évolue au gré des disponibilités
des musiciens additionnels, ce qui contraindra souvent le groupe à
annuler de nombreux concerts. Outre Simon Raymonde, Richard Thomas ou Dave
Curtis de DIF JUZ, Benny Di Massa, Rew, Segs… prennent place au sein
du trio qui préfère éviter les bandes enregistrées.
La puissance de leurs prestations scéniques donne tout son sens à
ce choix.

En
1990, les BREEDERS, groupe fondé par la bassiste des PIXIES, Kim Deal,
avec Tanya Donelly (THROWING MUSES) et Josephine Wiggs (PERFECT DISASTER…),
sortent un cinglant premier album sur lequel apparaît Michael Allen
au chant, le temps d’un Oh ! Savoureux.

En
1991, la compilation anglaise VOLUME fait paraître dans son premier
numéro une version alternative de Sucker (un titre du futur
album dont la ligne de basse est reprise d’un titre de « LABOUR OF LOVE »
de MASS, 1981). A cette occasion, les musiciens répondent à
une question épineuse de Rob Deacon:

-Quels
sont les dix disques les plus marquants pour vous?

Michael
Allen: BILLIE HOLIDAY « DON’T EXPLAIN », JOHN LENNON « INSTANT
KARMA », THIS MORTAL COIL « YOU AND YOUR SISTER », COCKNEY REBEL
« JUDY TEEN », ROY ORBISON « LOVE HURTS », NINA SIMONE « BALTIMORE »,
DIF JUZ « HUREMICS », THE FALL « LIVING TOO LATE », NICK CAVE
« DEANNA », CANNED HEAT « LET’S STICK TOGETHER », PUBLIC IMAGE
« THE SUIT », BOB DYLAN « I WANT YOU », FRANK SINATRA « STRANGERS
IN THE NIGHT »; THE VELVET UNDERGROUND « VENUS IN FURS », THE
ROLLING STONES « SYMPATHY FOR THE DEVIL », PETER ALLEN « THE MORE
I SEE YOU ».

Andrew
Gray: NINA SIMONE « PLAIN GOLD RING » , WIRE « EX-LION TAMER »,
ROXY MUSIC « THE BOGUS MAN », THE KINKS « LOLA », MICKEY DREAD
« MASTERMIND », PUBLIC ENEMY « 911 IS A JOKE », DAVID BOWIE
« A NEW CAREER IN A NEW TOWN », PUBLIC IMAGE LTD « PULBIC IMAGE »,
ISAAC HAYES « THEME FROM SHAFT », ALBINONI « ADAGIO ».

Mark
Cox: SLY & THE FAMILY STONE « FAMILY AFFAIR », NINA SIMONE « BALTIMORE »,
SEX PISTOLS « ANARCHY IN THE U.K. », ROBERT WYATT « SEA SONG »,
GRANDMASTER FLASH « THE MESSAGE », IGGY POP « NEIGHBOURHOOD THREAT »,
JAMES BROWN « JUNGLE GROOVE », MASSIVE ATTACK « UNFINISHED SYMPHONY »,
ARVO PART « TABULA RASA », TOM WAITS « SMALL CHANGE », COCTEAU
TWINS « HEAVEN OR LAS VEGAS ».

Le
label 4AD entame une série de rééditions d’albums
jusqu’alors uniquement disponibles en vinyle, parmi les premières
parutions (le premier groupe de MOMUS, THE HAPPY FAMILY et le premier album
de THE THE, initialement paru sous le nom de Matt Johnson), on retrouve IN
CAMERA avec la rétrospective « 13, LUCKY FOR SOME ». A cette
occasion outre les trois disques originaux (le 7″, le 12″ et la
Peel session), sont ajoutés quelques titres inédits rejoués
en studio, dont l’inexorable Pins and wax, un redoutable brûlot
sur lequel Michael Allen rejoint Dave Steiner au chant.

-Dance
it’s just a question of time-

1991-1992

A
l’image de leurs compères de RENEGADE SOUNDWAVE, de POP WILL EAT ITSELF,
avec la même foi visionnaire qu’ALIEN SEX FIEND ou CABARET VOLTAIRE,
WOLFGANG PRESS mélange le feu et la glace sur la piste de danse. Raideur
robotique à la KRAFTWERK qui ne dépareillerait pas sur les dancefloors
électro de 2003. Le single « TIME » sort début 1991,
contenant trois versions hypnotiques du même titre. Allant jusqu’à
sampler des fracas extraits de « DARK SIDE OF THE MOON » de PINK FLOYD,
WOLFGANG PRESS fracture une bonne partie des certitudes de ses amateurs. Pourtant
avec le recul et après avoir entendu le titre en concert, Time est
un véritable cataclysme, une transe inoxydable et minimale à
cent lieues des « gimmicks made in Manchester » de l’époque.

Peu
de temps après paraît un nouvel EP, une reprise de Randy Newman,
un titre qui réveille les fantômes du passé, à
l’époque où le groupe reprenait Otis Redding. « MAMA TOLD
ME NOT TO COME » est le second choc pour les amoureux du trio, l’énergie
de la ritournelle funk laisse sur sa faim et manque de tension et de noirceur.
Une nouvelle fois, le maxi ne contient que des remixes et une nouvelle version
de Time. Moins robotique et extrême dans ses choix, ce disque
laisse dubitatif quant au contenu de l’album qui s’annonce.

Fort
heureusement, les nouveaux titres entendus en concert en 1990 à Nantes
et les premiers échos de l’album sont rassurants. A sa sortie « QUEER »
bénéficie d’un bon soutien dans la presse musicale française,
les journalistes apprécient le bond en avant et les adieux au passé
torturé. Pour ceux qui suivaient le groupe depuis des années,
la sanction est proportionnellement inverse à celle de la critique
généraliste. Quelques uns cesseront alors de suivre le trio,
pourtant « QUEER  » frappe par sa vitalité, ses couleurs et
l’élégance festive qui règne tout au long de l’album.
Produit de main de maître par Drostan Madden et le groupe, le disque
est un régal au niveau sonore. Des samples savoureux (VELVET, KRAFTWERK?,
un film de Michael Powell…) parsèment les titres et le son ne
cesse de se moduler. La puissance tranchante de « BIRDWOOD CAGE »
est ici remplacée par une jungle luxuriante où tensions, grincements
et bleeps malicieux viennent électriser les structures. Moins radical
que « BURDEN OF MULES », moins esthète que « STANDING UP
STRAIGHT », moins laminant que « BIRDWOOD CAGE », « QUEER »
est l’album le plus abouti au niveau sonore. Véritable fresque fantasque
qui se métamorphose sans cesse.

Une
édition limitée en vinyle offre un maxi contenant deux versions
orageuses de Sucker et Mama told me not to come dévorées
par la production de Martyn Young (COLOURBOX, THIS MORTAL COIL, MARRS…).

Le
groupe donne enfin un concert parisien, repoussé une première
fois à l’automne 1991, il a finalement lieu dans le froideur hivernale
le 29 janvier à l’Espace Ornano avec le groupe électronique
français INDURAIN (ndlr: composé entre autres d’un des vendeurs
de feu Danceteria, un des temples du disque indépendant à Paris,
avec New Rose, Attitude, les Entrepôts Phonographiques de l’est et Odd
Size) en première partie.

Alors
que les répétitions ont lieu de façon très décontractée,
Michael Allen revêtu d’un terrible t-shirt COLOURBOX blanc-rose, le
concert est inversement proportionnel à cette ambiance légère.
Dès le premier titre, Michael Allen s’avance en costume trois pièces
sombre, canne, carte à jouer dans le chapeau, Mark Cox impassible et
froid sous sa noire toque de fourrure, Andrew Gray aigu comme un aigle dardé
sur ses pédales d’effets. Accompagné d’un batteur, d’un bassiste
et d’un autre musicien, le groupe va offrir ce qui restera comme l’un des
meilleurs concerts du genre à ce jour. Même les plus sceptiques
qui venaient assister par nostalgie au concert du groupe, resteront bouche
bée devant la charge physique de la prestation. La majeure partie des
titres est issue des deux derniers albums, mais le groupe n’oublie pas quelques
grands classiques comme Sweatbox.

En
Amérique du nord, « QUEER » bénéficie d’une distribution
digne de ce nom et le succès ne tarde pas à récompenser
le groupe. Des versions spécifiques des singles sont éditées
agrémentées de titres différents et de remixes originaux.

Alors
que le succès nord-américain ne se dément pas, en France
le groupe change également d’image. Des chroniqueurs généralistes
acceptent enfin d’attribuer des qualités au groupe. De Libération,
aux Inrockuptibles, en passant pas Bernard Lenoir, le single « A GIRL
LIKE YOU » fait l’unanimité. Cette ritournelle manifestement inspirée
par la Stax n’est pas déshonorante, elle marche sur les traces de leur
reprise de Randy Newman « MAMA TOLD ME NOT TO COME » et apparaît
hautement succeptible d’avoir le succès d’Edwyn Collins, mais la personnalité
du groupe est quelque peu diluée dans une production trop léchée,
un inédit hypnotique, Angel, éclaire heureusement la
face B du single.

-Fallen
not broken-

1993-1996


Une
Black session à la Maison de la Radio, enregistrée pour France
Inter offre pour la première fois la possibilité à WOLFGANG
PRESS d’être entendu par un large public. Le résultat est à
la fois grisant et frustrant, certains nouveaux titres sont un peu simplistes
et la session radio est coupée horaire oblige, laissant sur leur faim
les amateurs du groupe. A ce jour, malgré des courriers…, à
notre connaissance, la fin de la session n’a jamais été diffusée!

Entre
fin 1994 et début 1995 paraissent coup sur coup le nouvel album « FUNKY
LITTLE DEMONS » et un EP « GOING SOUTH ». L’attente a été
longue et l’on apprend avec tristesse que le clavier, membre fondateur, Mark
Cox a pris la décision de quitter le groupe; néanmoins il est
encore présent sur la majeure partie de l’album et en particulier le
temps d’un titre écrit en solitaire, New glass, céleste
et sériel. L’album poursuit l’aventure sonore de « QUEER »
en s’attachant davantage à d’infinies variations et détails.
Seule réserve, la faiblesse d’une poignée de titres qui semblent
incongrus sur un album de WOLFGANG PRESS lorsque l’on connaît le perfectionnisme
du groupe; le simpliste et trop rock So long dead, le parfois trop
doucereux Derek the confessor, la langueur résignée People
say
(hommage à Lou REED?) et la scie musicale She’s so soft.
Hormis ces écarts, « FUNKY LITTLE DEMONS » propose à
la fois le versant captateur de mélodies hypnotiques comme Christianity
ou Executioner, le funk rugissant de 11 years, mais aussi
et surtout la majesté vocale de Michael Allen sur Chains et
sa capacité à varier les sentiments sur le complexe Fallen
not broken
. Un album attachant qui marque une mutation non encore achevée,
une évolution entre la fièvre des débuts et une maturité
assumée.

Des
remixes sortent dans des éditions vinyles destinées aux D.J.
(Christianity, Eleven years, Executioner…), une édition
limitée de l’album en comprend également quelques uns: ceux
de Barry Adamson (un Executioner envoûtant), Adrian Sherwood,
Sabres of Paradise, Michael Brook…

Réduit
à un duo (suite à la défection de Mark Cox), le groupe
fait la promotion de l’album malgré tout, jusqu’à ce que le
distributeur américain de 4AD décide de rompre les contrats
de certains artistes dont celui de WOLFGANG PRESS. Malgré une reconnaissance
critique et publique de plus en plus solide aux Etats-Unis, le groupe se trouve
mis à pied. De retour en Angleterre, Michael et Andrew enregistrent
de nouveaux titres afin de démarcher les labels, hélas, nous
ne sommes plus à l’époque bénie du punk où les
structures indépendantes signaient les groupes pour leur musique, la
notion de marché domine désormais l’industrie musicale et WOLFGANG
PRESS retrouve une nouvelle fois son statut de « vilain petit canard ».
Après maints refus, d’un commun accord les deux musiciens décident
d’enterrer le groupe.


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