I Automne et affliction.
Fin
  1986, on pouvait lire dans les entrefilets du mythique magazine new-wave L’Equerre (n°5) qu’un jeune groupe du Loiret était en pourparlers
  avec le label londonien 4AD (DEAD CAN DANCE, COCTEAU TWINS, WOLFGANG PRESS…),
  et dans le petit fanzine Tropique du cancer de Montargis que ce groupe
  nommé COLLECTION D’ARNELL-ANDREA d’après ses fondateurs :
  Jean-Christophe D’Arnell et Eric et Pascal Andrea était l’un
  des espoirs de la scène cold-wave française. Malgré les
  attentes du groupe, 4AD ne réagit pas favorablement et c’est un
  autre label anglais VALOTTE RECORDS qui permet la sortie d’un premier
  mini album de quatre titres «AUTUMN ‘S BREATH FOR ANTON’S
  DEATH». Nous sommes en 1988 et COLLECTION D’ARNELL-ANDREA impose
  d’ors et déjà un univers unique, sombre et mélancolique.
  Les mélodies lancinantes rappellent successivement DEAD CAN DANCE et
  HEAVENLY BODIES, les lamentations de Chloé St Liphard alliées
  aux voix masculines tissent un écheveau sonore somptueux. Les synthétiseurs,
  la basse rampante et la boite à rythmes combinent leur froideur pour
  saper tout espoir, les sanglots règnent.
En
  France seuls quelques initiés goûtent les premiers pas du groupe,
  heureusement le label LIVELY ART (créé par l’un des membres
  de NEW ROSE) voué aux musiques électroniques, wave et bientôt
  rattaché au terme «touching pop» est en pleine expansion
  et ne tarde pas à signer COLLECTION D’ARNELL-ANDREA, en même
  temps que d’autres groupes prometteurs comme ASYLUM PARTY, LITTLE NEMO…
  Les parrains du label sont les AND ALSO THE TREES, qui permettent à LIVELY
  ART de décoller grâce aux ventes de «ET AUSSI LES ARBRES»,
  première référence du label.
«UN
  AUTOMNE A LOROY» paraît en 1989, ce premier véritable album
  est un enchantement; un violoncelle rehausse les éléments déjà
  présents, tandis que la voix de Chloé prend une place déterminante
  passant du registre lamentatoire à des envolées en échos
  stratifiées comme chez COCTEAU TWINS occultant la voix masculine des
  débuts. L’atmosphère automnale et nostalgique qui entoure
  les photographies de l’abbaye de Loroy se retrouve transcendée
  lors des concerts où le groupe joue fantômatiquement, Chloé
  cachée dans l’ombre à la lisière de la scène,
  Jean-Christophe D’Arnell imposant l’aspect martial des rythmiques
  sur ses claviers, Carine Grieg (remplaçante de Thierry Simonnet) nappant
  de ritournelles lunaires la linéarité endeuillée du jeu
  de basse de Peter Rakoto, enfin Xavier Gaschignard au violoncelle unissant l’ensemble.
  La projection d’un film sur l’abbaye de Loroy instaure définitivement
  un climat émotionnel unique.
En
  1990, le groupe participe à la compilation «13» de leur label,
  le titre Anton’s mind getting blind est en fait une version retravaillée
  de Collection du mlp de 1988 avec adjonction du violoncelle. La sortie
  de la vidéo prolongeant cette compilation intitulée «LOVELY
  HEART» (en 1991) leur permettra de réaliser un clip de Une attente
  douleur.
II Nostalgie sinueuse.
A
  l’automne 1990, «AU VAL DES ROSES» confirme la veine mélancolique
  du premier album. Esthétiquement la pochette reprend la même structure
  que le premier album, trait caractéristique du groupe qui ne se démentira
  pas par la suite; le design confié à Vincent Lacape épouse
  à la perfection la musique du groupe. La production sonore est à
  nouveau conduite par le groupe avec Sylvain Leboucher à l’enregistrement.
  Cette cohésion favorise un aboutissement artistique qui confère
  à cet album un classicisme extrême conduisant COLLECTION à
  l’apogée de son style. L’aspect concentrique de l’évolution
  du groupe dissuade ceux qui nombreux avaient encensé le premier album
  (presse étrangère et française), seuls les fanzines cold
  et dark s’enflamment pour ce nouvel album qui demeure aujourd’hui
  le plus abouti par sa concision, sa cohérence et son intégrité
  artistique. Une attente douleur, lente complainte funèbre et lumineuse
  de pureté envoûte et entretient le coeur d’un murmure
  déchirant et consolateur.
Les
  concerts qui suivent proposent désormais des projections multiples d’images
  anciennes traversant la musique comme des échos nostalgiques et intimes;
  les rencontres aléatoires entre sons et images alimentent la rêverie
  éveillée du spectateur. Catherine Marie de OPERA MULTI STEEL ne
  tardera pas à rejoindre le groupe pour orchestrer ces projections.
Début
  1991, le fanzine Prémonition (n°7) offre à ses lecteurs
  un cds qui contient une version tortueuse et émaillée de guitares
  de Une attente douleur (Mahan’s version); le choc auditif enthousiasme
  par sa radicalité, les détracteurs reprochant au groupe son immobilisme,
  rentrent leurs griffes et capitulent. Tout le monde pense au prochain album
  de COLLECTION, plus personne ne sait à quoi s’attendre.
En
  1992, paraît «LES MARRONNIERS», l’inspiration est plus
  nostalgique que jamais, des bribes de l’enfance sont enlichenées
  de fragments d’un passé mythique; des arabesques à la basse
  et dans les rythmes orientalisent l’atmosphère mélancolique
  de la Sologne. Les choeurs alanguis mêlés à une inspiration
  décadente et précieuse font des onze titres de l’album une
  fresque sépia toute entière vouée à l’exaltation
  des verts paradis enfantins. Le pré dormant inaugure une veine
  plus immédiatement accessible qui augure de changements futurs. Le bassiste
  Franz Torres-Quevedo remplace Peter Rakoto.
Des
  oscillations invisibles préparent une nouvelle période.
III Apreté et tourments.
Alors
  qu’en France le groupe n’accentue pas sa popularité, en Allemagne
  ils jouent au festival gothique de Leipzig devant près de 2500 personnes;
  leur présence sur des compilations dark-wave «THE MYTHS OF AVALON»
  (TALITHA), «HEAVENLY VOICES PART TWO» (HYPERIUM)… leur offre un
  public renouvelé issu de toutes les scènes dark d’Europe.
  Le morceau présent sur la compilation HYPERIUM: L’Aulne et la
  Mort permet d’apprécier leur nouvelle orientation, le rythme
  est soutenu, des incursions électriques sirènéennes captent
  les tourments.1994, «VILLERS-AUX-VENTS (février 1916)» comble
  enfin les attentes, l’album est entièrement dédié
  à la Grande Guerre, textes et images renvoient à cet univers d’attente,
  de mort et de non-sens. Entre temps, leur label LIVELY ART a fait faillite,
  NEW ROSE tente de survivre au naufrage avant d’être récupéré
  par WMD; pour COLLECTION alors prisonnier d’un contrat, les opportunités
  de signer avec des labels comme HYPERIUM s’éloignent (RISE AND
  FALL OF A DECADE, SPEAKING SILENCE et CLAIR OBSCUR profitèrent de ce
  moment pour signer en Allemagne). Ainsi, c’est sur une structure bancale
  que paraît le nouvel album; la promotion est chaotique à cause
  de tous ces événements, Malgré tout, les échos critiques
  sont excellents. Les guitares se font omniprésentes: déchiquetées,
  crissantes ou acoustiques venant contrecarrer l’aspect évanescent
  des claviers et de la voix; le violoncelle serpente avec rage sur des titres
  comme Les Cendre-Lisières. Les lancinantes complaintes n’ont
  pas disparu pour autant, des rythmes incantatoires rappellent les affinités
  d’autrefois (Les Parvis Déserts), d’ailleurs le titre
  final L’Ornière ne cesse de dresser des échos majestueux
  à l’inexorable marche funèbre The protagonist de
  DEAD CAN DANCE; le choeur final est un sommet, les voix des musiciens relayant
  Chloé, le violoncelle les unissant de sa voix plaintive. Le mysticisme
  de ces morceaux n’est pas sans rapport avec la voix passionnée
  et noyée de lumière de Soeur Marie Keyrouz, voix vivante
  et pourtant immatérielle à qui Chloé voue un «culte».
  Hormis l’apparition de guitares qui enrichissent le son du groupe, des
  titres comme Deaf or Crazy ou LeRavin des Fontaines sonnent
  nettement pop et simplistes corrompant en cela la cohésion esthétique
  de l’ensemble de l’album et laissant craindre un relâchement
  de l’inspiration; même la voix semble se perdre sur ces titres.
  Pour la première fois, COLLECTION fait appel à Gilles Martin (MINIMAL
  COMPACT, DOMINIQUE A…) pour l’enregistrement, ce qui explique peut-être
  les nouvelles orientations sonores, ou tout au moins une vision différente
  des possibilités artistiques en studio.
Après
  une absence de deux ans; fin 1996 l’album «CIRSES DES CHAMPS»
  rompt le silence de façon tonitruante, pour la première fois le
  groupe s’émancipe d’une trajectoire jusqu’à lors parfaite
  en prenant le parti d’opter pour la tendance «dure» de son
  répertoire: Une attente douleur (Mahan’s version) ou encore
  Les Cendre-Lisières, toutes épines dehors. Le thème
  choisi d’un herbier allant de L’Ivraie à L’Armoise
  n’augurait pourtant pas d’une telle violence; même la pochette,
  une peinture de Nicolas Mécheriki, laissait pressentir des terres de
  rêveries. La surprise passée, une impression d’asphyxie sonore
  ressort de l’écoute, tant les morceaux regorgent de fracas soniques
  de guitares; désormais libéré de la basse (remplacé
  par Stephan Kehlsen) Franz peut à loisir déchiqueter nos oreilles
  de ses assauts acides et râpeux. Le jeu de basse est plus doux et ondulant,
  les rythmiques perdent en rigidité et en sévérité
  ce qu’elles gagnent en suavité et en dynamisme, la production sonore
  de Gilles Martin regorge de détails (trop?) qui strient de mille écorchures
  les atmosphères jadis hiératiques de COLLECTION. L’album
  est tel un roncier, difficile à franchir d’un trait, les coeurs
  transis des fanatiques du groupe saigneront plus encore que les autres en parcourant
  ces terres soudain devenues inhospitalières là où autrefois
  ils pouvaient s’isoler de la lumière trop crue du jour.
De
  refuge forestier, la musique de COLLECTION est devenue une lande ravagée
  par les orages; ne s’enfermant plus dans une adolescence enfiévrée
  de nostalgie, elle s’érige guerrière farouche et singulière
  au devant des faux-dieux pantelants qui condamnent la musique à n’être
  qu’un produit stérilisé.
Le
  groupe a actuellement deux projets: réaliser un enregistrement plus acoustique
  dans la lignée de l’album «LES MARRONNIERS» avec piano,
  voix et violoncelle; et un projet beaucoup plus électrique. Pas de nouvelle,
  par contre, de la musique qu’ils avaient réalisé pour un
  film…
 
													 
													 
													
0 commentaire