Ce texte du XVIIIème siècle à la facture classique se présente sous la forme de mémoires d’une héroïne aussi malheureuse que vertueuse, Pauliska, exilée polonaise que les fracas de l’histoire ( Révolution oblige ) jettent sur les routes d’Europe . Après de nombreuses aventures sur lesquelles nous reviendrons, elle nous livre ses mémoires destinés à éclairer le lecteur sur les ravages du Mal sous ses formes les plus modernes pour l’époque.
Ainsi, au cours de son exil, tombera-t-elle dans les rets d’un aristocrate chimiste et athée qui, pour se faire aimer d’elle, aura recours à des techniques de « pointe » . Il l’enfermera dans une chambre aux supplices où il se livrera sur elle à des expériences mêlant le magnétisme alors en vogue aux recettes de sorcellerie dont voici quelques exemples : « L’amour est une rage, il peut s’inoculer comme cette dernière maladie, par la morsure ( régime ). Os de tourterelles calcinés, camphre et peau de serpent . ( opérations ) Morsures réitérées. » ( p 58 ) ou encore « L’amour étant l’union physique de deux êtres, pour que les masses se confondent, donnez l’impulsion aux atomes. Opérez une irritation sur les fibres avec des cheveux et des cils de l’opérateur. Forte inspiration par les pores ; friction multipliée sur la peau. Pour breuvage, l’opérateur donnera son haleine convertie en fluide. » ( ID )
Ce savant fou essayera également de s’approprier la jeunesse de Pauliska en la plongeant dans une cloche pneumatique qu’on employait alors dans les salons pour observer le phénomène de la respiration d’un point de vue chimique et physiologique. Parvenue à s’enfuir des griffes de ce vieux barbon, elle se retrouvera aux prises avec une bande de faux-monnayeurs assassins qui eux aussi ne manqueront pas d’ingéniosité dans les supplices à infliger à l’héroïne.
L’action se détourne parfois de Pauliska pour s’intéresser à quelques uns de ses compagnons d’infortune, exilés comme elle . Un de ses soupirants tombe, lui, aux mains d’une secte exclusivement féminine, Le Club des Misantrophiles, dont l’ambition est de se garantir définitivement de l’homme ( le mâle ). Elles soumettront le dénommé Pradislas enfermé dans une cage à différents tests et épreuves ayant pour but la mise à nu « des vices moraux et physiques de l’animal appelé l’homme. » (page 110).
Le roman se termine dans une explosion pyrotechnique surprenante au terme de laquelle Pauliska, touchante victime , réintégrera la sphère aristocratique désormais affaiblie qu ‘elle avait dû quitter ramenant dans son sillage un nuage de poudre et de soufre.
Le livre de Révéroni Saint-Cyr mérite vraiment d’être redécouvert, ne serait-ce que pour la mise en oeuvre dans une écriture romanesque des théories de l’époque sur le magnétisme et, de façon ludique, des avancées techniques dans le domaine de la pyrotechnie. Entre Sade, pour la figure de l’héroïne suppliciée, et Laclos, pour l’analyse froide des passions ; Pauliska ou la perversité moderne peut figurer comme un fantastique traité de la mécanique des passions.
Révéroni Saint-Cyr en quelques dates ( d’après la bibliographie établie par Michel Delon ) :
1767 : naissance à Lyon de Jacques Antoine Révéroni.
1783 : établissement du certificat de noblesse requis pour être reçu sous-lieutenant dans les troupes de sa majesté.
1785-1793 : carrière militaire interrompue pour raisons de santé.
1794 : professeur adjoint pour l’art de la guerre ( ! ) à l’école Polytechnique nouvellement créé.
1798 : Pauliska ou la perversité moderne.
1799-1826 : abondante production littéraire, théorique et musicale ( Essai sur le mécanisme de la guerre, 1808, Cagliostro, ou les Illuminés, opéra comique en 3 actes, 1810 ).
1829 : 19 mars. Mort à Paris, enterré au cimetière du Père- Lachaise.
« Pauliska ou la perversité moderne », roman de Révéroni SAINT-CYR
disponible aux éditions Desjonquères (1991) d’après l’édition originale de 1798.
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