A
l’occasion de la parution de leur second album, les secrets O QUAM TRISTIS lèvent
le voile sur leur univers.

Comment
est née l’idée d’O QUAM TRISTIS? Avez-vous suivi une éducation
religieuse ou des études de lettres classiques qui auraient inspiré
l’écriture du premier album en latin?

Le
groupe est né de la réunion de musiciens évoluant ou ayant
évolué dans diverses formations de la sphère Dark-Goth-Folk-Wave
et même plus classiques autour d’un projet qui pourrait à la fois
rassembler le goût pour la langue latine d’Anna et Katrina ainsi
que la passion qui anime chacun d’entre nous pour les musiques médiévales,
baroques, traditionnelles et même plus électro. Ces divers penchants
ne pouvant se réaliser pleinement dans nos expériences respectives,
 “O Quam Tristis…” est vite devenu le creuset dans lequel
ont fusionné ces différentes influences.

Le latin s’est tout de suite imposé comme langue incontournable
pour préserver l’aspect ancien des mélodies créees.
Cette langue possède en elle-même une sensualité forcément
très proche de langues méditerranéennes actuelles telles
que l’italien qui en est directement issu. Cette langue, dite morte, recèle
en elle un mystère transmis par le fait que peu de gens la comprennent
et à fortiori la parlent de nos jours. Le fait que les textes liturgiques
latins utilisés aient été déjà écrits
à l’origine pour être chantés et qu’ils respectent
d’emblée une métrique les rend d’autant plus agréables
à mettre en musique.

La
dimension grégorienne porte une lumière céleste sur votre
premier album, est-ce le résultat d’un penchant pour une fantasmagorie
mystique ou avez-vous choisi d’utiliser le Manuel Grégorien pour en extraire
les ferments d’une morale austère?

Le
Manuel Grégorien est un ouvrage qui détaille chaque cérémonie
de la liturgie catholique (Offices, Mariages, Enterrements…). Il indique
pour chaque circonstance les mots et l’attitude à adopter par le
prêtre et les assistants et propose également les partitions grégoriennes
des psaumes appropriés (d’où son nom.). Nous n’avons
pas choisi uniquement le chapitre très particulier décrivant les
cérémonies funèbres réservées aux enfants
en bas âge par souci de morbidité mais surtout parce que ce titre
“Funérailles des Petits Enfants” nous semblait porter en lui
une poésie et une résonnance particulières avec le thème
de la perte des illusions et de l’innocence. Nous avons donc extrait la
grande majorité des textes de notre premier album de ce même chapitre
et avons décidé de conserver le titre en français comme
titre de notre premier album, seule et unique marque de notre situation géographique
et culturelle.

Ceci
dit, au delà de la rigueur et de l’austérité du thème
et de la jaquette de l’album, la musique qui compose ce disque conserve
un côté relativement optimiste. Dans de nombreuses religions, il
est courant de penser que chaque enfant mort en bas âge deviendrait un
Ange dans l’autre monde car il aurait su quitter les Hommes avant que
ceux-ci n’aient eu le temps de corrompre son innocence. De telles extrapolations
ne devraient point engendrer uniquement la tristesse mais également l’espoir,
quand bien même utopique…

Quelles
influences musicales et/ou picturales sous-tendent votre inspiration?

Il
est très difficile de citer ses influences sans risquer d’oublier
certains noms importants. En dehors de la musique religieuse ancienne (du XIIème
au XVIIIème siècle) et dont il serait très difficile de
dresser une liste de compositeurs, il sera plus aisé de citer des artistes
ou des formations plus contemporaines existantes ou disparues ; voici donc
quelques noms dont on peut dire sans erreur que certains ou l’ensemble
de leurs albums ont beaucoup compté pour nous et qu’ils continuent
à hanter notre processus créatif : Malicorne, Alan Stivell,
Qntal, Cure, Dead Can Dance,Cocteau Twins, Sisters of Mercy, Xymox, Kolinda,
Estampie, Freyburger Spielleyt, Miranda Sex Garden, Ataraxia, Spondo…
et j’en oublie certainement…

Concernant
la musique, l’architecture et la peinture, nous avons bien entendu une
grande prédilection pour le Moyen Age, la Renaissance et pour le mouvement
” Néo-Gothique” du XIX ° siècle dont nous sommes
particulièrement friands .

Vous
cultivez une image énigmatique, générant un culte singulier,
est-ce une volonté médiatique de parfaire le mythe -nébuleux
et occultes- ou un goût pour le retrait, êtes-vous d’inexorables
solitaires?

  1. Ce
    n’est pas en tout cas de notre part une attitude préméditée
    mais il est vrai que le style de musique et d’imagerie que nous véhiculons
    ne sont pas des plus faciles à promouvoir . Nous ne voyons pas non
    plus l’intérêt de nous mettre en avant par rapport à
    la musique. Celle-ci nous aide à vivre, nous sauve du marasme de
    la vanité et de la vacuité qui finissent toujours par ronger
    ceux qui ne peuvent malheureusement que regarder passer les heures sans
    avoir de prise sur elles.

Nous
trompons nos angoisses en remplissant au maximum le temps qui nous est imparti.
Nous réunissons nos solitudes que nous n’avons pas vraiment choisies
pour en tirer quelque chose de collectivement esthétique ; mais
la solitude intérieure est plus qu’évidemment inexorable…
La musique n’est que le meilleur moyen que nous ayons trouvé pour
la rendre plus ” supportable”.

Comment
avez-vous été amenés à signer sur le label italien
Palace of worms?

Nous
avons découvert le label italien Palace of Worms avec la superbe compilation
“STORM THE PALACE Anno Domini MCXVII” parue courant 1999. Le thème
principal en était le Moyen Age et tous les participants donnaient, avec
leur propre style une lecture très personnelle de cette époque
lointaine . Cette manière très brillante de concilier le Passé
avec le Présent de toutes ces formations nous a donné l’idée
de faire parvenir notre démo à Guido Borghetti (manager de POW).
Celle-ci eut la chance de susciter son intérêt. Le label n’avait
pas jusqu’ici signé , pour un album entier, de groupe à
tendance Néo Médiévale ; l’orientation principale
étant plutôt Dark Ambient.

Y
aura-t-il un changement d’orientation musicale sur le prochain album, doit-on
craindre la présence de morceaux synthie-pop parodiques à l’image
du titre fantôme de l’album “FUNERAILLES…”, ou n’était-ce
qu’une “private joke”?

Le
titre auquel tu fais allusion (Beati Immaculati II ) n’aurait jamais du
figurer sur l’album. Nous l’avions mis sur la démo envoyée
au label. Il existe une version beaucoup plus “acoustique” de ce morceau
dans le track listing de l’album avec simplement un orgue et des voix.
C’est finalement Guido Borghetti qui a insisté pour que cette version
quelque peu remix-rave soit sur le cd mais en ghost track. Il eut en effet été
quelque peu en porte-à-faux avec l’ensemble de l’album.

Ce
seizième titre ne préjuge pas d’une orientation plus upbeat
d’O QUAM TRISTIS… pour le nouvel album. Si remixes il doit y avoir
de certains de nos prochains titres, cela se fera séparément .

Le
prochain album sera toutefois plus homogène que le précédent.
Nous avons tenté de donner une plus grande cohérence entre les
vocaux féminins / masculins et tous les backgrounds musicaux lesquels
pour tout electroniques qu’ils puissent être resteront mêlés
aux instruments acoustiques qui nous sont chers : dulcimer, psaltérion,
guitares, violon, flûtes…. Je pense que ce prochain album cultivera
à la fois l’Heavenly, la Pop, le Folk et le Médiéval.
Nous n’avons pas la prétention de faire une musique figée
ou s’inscrivant dans une époque plutôt qu’une autre
et notre éclectisme d’inspiration continuera à se faire
sentir mais avec plus de lien dans le traitement.

L’Art
religieux occidental est en pleine déliquescence, mais des groupes comme
ROSA CRUX (inspirés par les Rose-Croix) ou ATARAXIA (qui revivifient
le blason des Templiers) en régénèrent le creuset, vous
sentez-vous proches de cette dimension mystique dans la création musicale?
Votre attachement pour les choses cultuelles est-il esthétique ou lié
à un sentiment religieux?

Nous
collectionnons depuis assez longtemps des objets liturgiques, en particulier
du XIX°siècle, statuettes, missels … le Manuel Grégorien
est un ouvrage parmi tant d’autres extrait de notre bibliothèque,
ayant la particularité de détailler chaque cérémonie
de la vie religieuse … textes liturgiques en latin, partitions grégoriennes
des psaumes et annotations à l’usage des officiants et des assistants
quant à la conduite des célébrations et à l’attitude
à adopter lors du déroulement de celles-ci… Le fait d’utiliser
le Manuel Grégorien est donc d’abord plutôt un choix d’ordre
esthétique. Il faut avouer que plusieurs d’entre nous ont suivi
des études littéraires et étudié de près
ou de loin le grec ancien et le latin, cela laisse des traces. Nous avons également
pour certains d’entre nous reçu une éducation religieuse
laquelle, si elle ne nous a que peu convaincus, a eu pour conséquence
directe de créer de notre part un intérêt réel pour
toutes les « excroissances » dérivées d’inspiration
religieuse : architecture, musique, littérature, peinture etc…

Le
latin est le ciment du groupe, le lien entre nos influences musicales qui se
déroulent tout au long de nos chansons. Cette langue morte est très
sensuelle à chanter et permet une foule de prononciations différentes
entre lesquelles, il faut bien l’avouer, nous hésitons souvent
(à l’italienne, à la française, à l’anglaise…).
L’aspect mystérieux que revêt un langage aujourd’hui
peu usité participe au plaisir que nous procure le fait de composer sur
des textes métrés qui contiennent déjà en eux-mêmes
une musicalité évidente. C’est peut-être lors de la
phase de création des chansons que nous touchons peut-être le plus
à une sorte de dimension mystique. Une sorte de communion esthétique
autour d’un langage

Nous
n’avons pas pour but de promouvoir ou de restaurer la religion catholique
en Occident…. ! Les textes que nous chantons pourraient être
utilisés pour louer n’importe quelle divinité monothéiste
réelle ou fantasmée. Le logo du groupe est à lui-seul le
résumé de notre philosophie. La colombe de la paix entourée
d’une croix sous l’emprise du Démon et d’une autre
sous la protection d’un Ange…

Ceci
dit, nous envisageons pour un éventuel troisième album d’utiliser
des textes latins profanes antiques ou médiévaux. Nous sommes
pour l’instant dans une phase de lecture/ recherche qui risque de nous
occuper un bon moment, la sélection étant fort difficile.

Quels
sont vos projets (concerts, albums)?

Nous
avons terminé l’enregistrement de notre second album “LE
RITUEL SACRE”
qui comportera 13 titres. Celui-ci sera mixé sous
peu. Ces nouveaux morceaux tirent leur texte d’un tryptique néo-gothique
d’appartement utilisé au XIX° siècle pour accomplir
ses prières à domicile et dont nous possédons un exemplaire
sur l’un des murs de notre salle de répétition. Nous avons
en quelque sorte réussi à donner une seconde vie musicale à
cet objet qui avait sans doute dormi longtemps dans les réserves d’un
antiquaire. Le
livret du nouvel album sera réalisé comme le premier par Curt
Emmer, du groupe américain BLEEDING LIKE MINE. Sortie prévue
Avril/Mai 2002 chez Palace of Worms.

Côté
concerts nous sommes pressentis pour le prochain Festival de Leipzig mais cela
reste encore à confirmer.


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