Groupe : Area
Album : The Perfect Dream
Date : 2003-03-01
Label : C’est La Mort
Distributeur :
Format : CD
Durée :

A force de briguer le haut rang des groupes signataires du révéré 4.A.D., alors à son apogée, les quelques laissés pour compte, s’ingénièrent avec force ténacité à rivaliser d?invention, dans le contexte incomparablement émulateur de la fin des années quatre-vingt. AREA, dont ne subsiste à ce jour qu’un noyau
bancal et anémié, figura au nombre de cette illégitime fratrie, incluant entre autres formations orphelines, HUGO LARGO, JUDGEMENT OF PARIS ou encore TEL BASTA. Aubaine inespérée que de voir rééditer quelques-unes de ces références majeures, au sein du bienfaiteur giron de « RELIC », sous-label de PROJEKT à vocation réhabilitante; ayant à son actif une bonne vingtaine d’heureux défrichements. Des quatre « repressages » récapitulant l’entière discographie du groupe, « THE PERFECT DREAM », fait figure à n’en pas douter, d’éclatante consécration. Dès cette elliptique ouverture où de vibrantes supplications féminines s’entrelacent en canons, le ton est donné – 25 -. Semblable à nulle autre pareille, cette voix sculptée à même le cristal, possède l’indéfinissable gracilité des nuages de rosée emplissant l’atmosphère, avant d’aller reposer en fins parterres de givre pailleté… Partisan d’un minimalisme neurasthénique, le trio américain ne s’aventure que rarement à greffer d’autres éléments à l’association éprouvée des guitares-claviers. De-ci de-là, une clarinette, quelques rythmiques discrètes. N’égayant que très malaisément la torpeur atrabile de l’ensemble, l’escadron de boîtes à rythmes décharnées, réduit pour l’essentiel à d’hoquetants jeux de cymbales, ceinture la voix d’une vigilante escorte – Disappear Here -. Balancier mécanique au gré duquel se laisse nonchalamment porter la chanteuse Lynn Canfield, avant que ne la rattrapent les bobines de guitares sphériques. Au regard de ces quelques passages électro-pop, plane le fantôme d’un improbable SECTION 25, hagard et frigorifié, auquel on aurait instillé le sang noir de THIS MORTAL COIL. Emboîtant le pas à un Vini Reilly dont il est sans conteste redevable de l’onduleux jeu de guitare, Henry Frayne (ultérieurement fondateur de l’aventureux LANTERNA) essaime à loisir de cotonneux arpèges, qu’il perpétue en une infinité de tourbillons réverbérés. Egrenées, semblables à de fines giboulées, les cascades de notes s?amoncellent en processions aériennes, qu’une lointaine brise viendrait éparpiller. De part et d’autres de ce rêve immaculé, s’étire un panorama d’espaces lacustres, effrayant de vastitude blanche; à l’extrémité duquel la nuit polaire s’aménage un lit verglacé. Avec le bien nommé I’ll Gather Flowers, floconneuse ballade en tout point exquise, l’album connaît son apothéose… Par intermittence, une pincée de bruitages incongrûment « urbains », déjà repérables sur le précédent « RADIO CAROLINE » – et gage d’un sens inné du détail -, s’intercale au hasard des compositions; leur prêtant ce faisant un habillage plaisamment saugrenu. Comme échappés d’un confessionnal blotti au creux de la roche ruisselante des regrets, les murmures transis d’As Thick as Thieves, rejoints en arrière-fond par les rares incursions masculines de l’album, introduisent un climat de douloureuse oraison. Appuyé sur des textes imagés à l’intimisme perceptiblement désabusé, le postulat d’un rêve éveillé en perpétuelle édification; effleurant puis pénétrant indiscrètement les lisières du subconscient, ne se dément pas. Curiosité en soi pour sa durée et l?intrusion de vrombissements crépus, le fracassant All about Money ausculte pour sa part, les reliefs accidentés d’un no man’s land inhospitalier, chargé de radiations quasi industrielles, que la voix irrémédiablement cajoleuse, vient humaniser et réchauffer… Remarquables de limpidité mélodique, les quatorze compositions font état de surcroît, d’un agencement minutieusement réglé, conférant à chaque titre un emplacement tant prédéfini que définitif parmi ces quelques sentes oniriques. Et pour clore la finitude d’un rêve aussi savamment architecturé, une reprise du légendaire Sisters of Mercy de Leonard Cohen, méconnaissable de dépouillement monacal. Préfiguration de la scission fatale et future du groupe en deux embranchements: l’incapacité flagrante de ses deux instrumentistes à siéger concomitamment sur un seul et même titre; trahissant selon toute vraisemblance, une hantise impérieuse de remporter le monopole des compositions. Impartial arbitre comme il se doit, la conciliante Lynn Canfield embrasse indifféremment chacun des deux axes complétifs, périodiquement acoustique et synthétique; qu’elle accompagnera du reste ultérieurement dans leurs mutations respectives: un AREA nouvelle formule, quelque peu amoindri, flanqué des – initialement – prometteurs, THE MOON SEVEN TIMES. Malgré un premier album éponyme des plus enthousiasmants, ces derniers se fourvoyèrent irréparablement. Ayant tôt fait de sacrifier aux conventions d’un genre éculé, ils basculèrent insensément dans l’ornière d’une pop consensuelle à souhait, vaguement mâtinée de blues et qui plus est, insupportablement doucereuse (cf.: l’infamant dernier album en date: « SUNBURNT », pour lequel ils sombrèrent corps et âme). Aussi, cette rétrogression flatteuse nous ramenant en l’an de grâce 1988, se justifie-t-elle pleinement au vu de l’infinie potentialité du groupe; qui ne saurait certes se réduire à un aussi piètre état des lieux. Dirigé de main de maître, ce rêve musical qui n’a rien d’une futile songerie, approche indubitablement de la perfection -quitte à conforter la présomption un rien hardie du titre-.

Catégories : Chroniques

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