Groupe : Tiersen, Yann
Album : Le Phare
Date : 1999-08-01
Label : Ici d’ailleurs
Distributeur :
Format : LP/CD
Durée :

-Grand
enfant à l’allure dégingandée duquel perce un regard effrontément
rieur Yann Tiersen semble tout droit sorti des planches funambulesques du facétieux
créateur de Little Nemo. Bravant vaillamment houle et récifs,
c’est à bord de son radeau-lit, que semblablement, à l’aide de
croches et de notes transformées pour l’occasion en rames, il nous mène
à son phare, gardien usé par tant d’immensité bleutée…
A le voir arc-bouté au dessus de sa ribambelle de pianos mécaniques,
avortons de bois que lui seul sut apprivoiser d’un effleurement avisé,
on devine le ravissement béat de celui qui redonne vie au jouet quiet.
Quoique tributaire d’une formation des plus classiques, Yann Tiersen fait fi
de tout académisme, amassant autour de lui une somme indénombrable
d’objets et d’instruments divers; à laquelle il se mesure intrépidement.
Occasionnellement relayés par une machine à écrire des
plus musicales, chaudron, casseroles, tricycle rangés en bataillons serrés,
concoctent un joyeux tintamarre, propre à semer le désordre parmi
la rectitude des lignes de clavecins. Comme possédés, les violons
pour leur part, soufflent à notre canotier, l’air des quelques farandoles
et autres gigues endiablées, susceptibles de faire se trémousser
encore les silhouettes fantomatiques des anciens écumeurs des mers…
L’enjouement premier cependant, est de courte durée. Lui succède
avec l’ arrivée de revigorantes gelées, le ressac d’intimes blessures.
Moindrement cyclothymique que de coutume, « LE PHARE »
se garde de trop entremêler euphorie et torpeur à l’inverse du
rayonnant « RUE DES CASCADES ». Dès la Dispute,
sourd un indéfinissable mal-être, ayant tôt fait de recouvrir
de son empreinte blafarde, les clameurs de faubourg et leur alacrité
démonstrative, bourdonnant précédemment… Tout humecté
de légendes septentrionales, ce disque embaume la bruine, le crachin,
ces caresses liquides s’ébrouant rageusement contre nos visages hâves,
à mesure que les bras de mer se resserrent. Bien avant que le phare ne
dénébule l’horizon, l’on perçoit encore, en provenance
de quelque sentine inondée, les grincements vermoulus d’un vaisseau à
la dérive, désespérant de regagner la rive –La Noyée-.
N’ayant plus à craindre de la tempête qui a fait rage, il paresse,
encore titubant jusqu’à nous… Moins engoncé dans ce qu’il
est convenu d’appeler sa posture de chansonnier Dominique A. en compère
attentionné, délaisse cette acidité qui lui est coutumière
au profit d’une candeur délicieusement immature –Monochrome-.
Prenant son essor à tire d’aile parmi les escaliers spiralés,
une vagabonde fée du nom de Claire Pichet, poursuit insatiablement cette
lune que d’autres ne manquèrent de chercher – La Rupture-. Incarnation
trop brève de la féminité, elle se retire timidement; au
moment même où l’on caressait l’espoir de lui voir accorder plus
d’un morceau… En pure perte, nous pourrions nous hasarder à aligner
les poncifs référentiels, de Michael Nyman à Pascal Comelade,
mais aucun, quand bien même allégé des boursouflures d’un
classicisme apprêté pour le premier ou nouvellement emprunt d’un
lyrisme inadéquat pour le second, ne suffirait à rendre compte
de cette inclassable mixture musicale ayant côtoyé le charivari
des fêtes foraines et le jeu enfiévré d’un Paganini. Que
l’on y prenne garde et l’infatigable mouvement rotatif du phare nous emportera
en son carrousel de lumière… Incontestablement, l’un des tempéraments
artistiques les plus prometteurs que l’Hexagone n’ait porté en ces temps
de mortelle morosité. Conclusion en forme de digression : escomptons
qu’à l’avenir, l’apport fructueux d’un Dominique Petitgand ne se borne
à de simples prologues scéniques et qu’il débouche enfin
sur une véritable conjonction de talents; car qui sait ce qu’un tel assemblage
pourrait enfanter…

Catégories : Chroniques

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